Histoire 38 : encore des soucis ...
Avril 2003
Je m’inquiète (encore et toujours) pour une toux qui n’a pas disparu et qui s’est même aggravée. Un jour, après deux heures passées le nez dans l’herbe à l’issue desquelles il décide tout seul une fois de plus de rentrer, il est pris d’une toux violente qui ne semble pas vouloir cesser. Il me regarde avec un air si malheureux, que j’en pleure d’impuissance. Je reste plusieurs minutes, désespérée, à l’écouter et à le regarder tousser, ne reprenant son souffle que pour recommencer à tousser et je ferme la porte du box (contraintes professionnelles obligent) persuadée qu’il ne passera pas la nuit. Le lendemain, avec beaucoup d’appréhension j’approche du box et il hennit à ma vue. Ouf ! J’aime ce son sourd qui fait juste vibrer ses naseaux, si ténu qu’on pourrait ne pas l’entendre si on n’y prêtait pas attention. Quel bonheur ! Rien que pour cette salutation douce, j’aime à venir dans les écuries ou dans le box, plusieurs fois par jour. Je cours à la pharmacie commander du Ventipulmin. Pour mal faire, la météo se mêle de nous compliquer la tâche. Les températures descendent encore parfois la nuit jusqu’à -7°, quand ce ne sont pas cinq centimètres de neige qui recouvrent la nature d’un blanc manteau. Une amie vétérinaire me conseille de le mettre sous antibiotique et le moniteur accepte de lui faire les injections de Pen-Hista-Strep. Je recommence aussi à le faire brouter en « liberté surveillée », la longe sur le cou, ce qui me permet de le panser en même temps. Mine de rien, cinquante minutes de pansage en plus des trois ou quatre heures de broutage, ça prend du temps ! Alors si je peux un petit peu cumuler les tâches, je suis preneuse !
Le vétérinaire passe à nouveau à la fin du mois pour vérifier ses tables dentaires et en profite pour faire une auscultation au sac. L’auscultation est claire. Ananas ne présente pas de râles ni de sifflements. On entend seulement quelques bruits bulbeux à l’auscultation de la trachée. Ce jour-là il ne présente pas de jetage. Le vétérinaire me conseille de continuer le Ventipulmin à demi-dose, de surveiller le jetage et en cas de réapparition de ce dernier, il me faudra renouveler le traitement antibiotique et faire un contrôle numération formule sanguine. Je retrouve progressivement le sourire.
Or, le 28 avril, je sors Ananas raide boiteux de son box ! Quelle nouvelle plaie s’est donc abattue sur nous ? J’appelle, paniquée, le vétérinaire d’Epinal, qui me rassure. Je l’entends me dire : « Ca ne peut pas être le tendon. Vous avez trop scrupuleusement suivi les plannings de travail. Je n’ai jamais vu une propriétaire qui applique autant à la lettre et jusqu’au bout toutes les consignes. Il n’a pas été ferré ces derniers jours ? » Mais c’est bien sûr ! La ferrure !!!!!!!!!!!!!! En attendant, l’Equipalazone est de retour dans la mangeoire où Ananas a de plus en plus tendance à le laisser, d’ailleurs ! Son vétérinaire attitré appelé aux écuries détecte une bleime, après un examen à la pince et le constat que le pied est chaud. Ananas a une jolie petite poche de sang qui se met à couler quand il n’y a plus de pression exercée dessus. Patience …
Mai 2003
Cette fois, ce sont les pansements quotidiens du pied qui sont d’actualité et les douches, durant sept jours. Les premiers jours Ananas refuse de sortir de son box, tellement son pied est douloureux. Chaque pas est un supplice et si je l’encourage de la voix, je pleure au fond de moi, souffrant avec et pour lui. Un midi, je le trouve même couché dans son box et il accepte cette fois encore de me laisser tendre la main vers lui, ce qu’il ne fait pas quand il est en pleine forme. Il mange avec appétit et se régale avec les pommes et les bonbons. Bien sûr, ses antérieurs engorgent, avec cette quasi complète immobilité. J’arrache de l’herbe pour la lui offrir et je lui ramène aussi des pelures de pommes, puisque je ne peux pas le mener brouter.
Six jours plus tard, je peux enfin le mener dans l’herbe, devant son box, mais il hyper ventile. Il me fait sourire quand je le panse, car je laisse la porte du box grande ouverte et celle-ci n’est pas barrée par une chaîne. Pourtant, Ananas reste sagement à l’intérieur, ne franchissant le seuil qu’avec l’antérieur gauche. Il est referré après une semaine passée le pied nu, emmailloté dans un pansement de compresses d’eau oxygénée, tenues en place par du Vtrap.
A la fin de la première semaine, je tente une longe, mais Ananas part en coups de cul, alors j’opte pour du broutage. Le trot dans les jours qui suivent n’est pas très régulier. La toux s’installe à nouveau et je fais pratiquer une prise de sang pour une numération formule sanguine. Le vétérinaire détecte de l’emphysème, après avoir refait le test du sac et une auscultation pulmonaire. Il lui injecte des corticoïdes et laisse une ordonnance pour cinq jours consécutifs de 10ml de Dexadreson, suivis de 10ml tous les deux jours, en IM. Sous son regard attentif et ses conseils, je tente ma première IM, mais je ne me sens pas à l’aise, trop tétanisée par la peur de mal faire. Je ferai les deux suivantes, mais la pression est telle pour moi, qu’à la suite de chacune d’entre elles, je dois m’asseoir précipitamment, sous peine de faire un malaise. J’abandonne donc et confie la tâche au moniteur. Le vétérinaire nous conseille de remplacer la litière de paille par des copeaux dépoussiérés et désciurés, avec la recommandation de le mettre le plus possible au vert ! Ben tiens, facile à dire ! Et où est-ce que je le trouve le vert ? Au club, il y a certes des paddocks mais l’herbe n’y pousse plus que fort parcimonieusement depuis longtemps, et là où elle pousse, ce ne sont pas des paddocks … Dès le lendemain, je découvre avec plaisir que comme pour le changement de box, le moniteur a été plus qu’efficace et a fait vider le box pour le garnir de copeaux.
Pour la première fois depuis longtemps, je mène Ananas jusqu’au manège pour qu’il se roule en liberté : il se roule à gauche et se relève en voulant partir à faire le fou, mais il reste sage dès lors que je lui dis : « Non ! ». Il est de moins en moins irrégulier au trot et de moins en moins raide dans ses allures.
Le 23 mai, Ananas passe cinq heures hors de son box. Nous sommes vendredi et je ne travaille pas l’après-midi. Je commence par le faire brouter une heure trente, puis je le monte une heure. A 18h, je reviens pour le faire brouter une heure et le ressors à 19h30 pour une heure trente de séance de « scrunch-scrunch ».
01 juin 03
C’est le dernier jour qu’Ananas passe dans ce centre équestre. Depuis un mois, j’ai pris contact avec une écurie de propriétaires distante seulement de dix kilomètres de la maison. Le moniteur et la monitrice sont prévenus de notre départ et nos relations sont restées cordiales. Les nouvelles écuries offrent la possibilité de mettre Ananas au vert, avec ses dix-sept hectares de propriété. Je m’y suis déjà rendue deux fois et nous avons convenu des conditions de pension et de transport. Je ne quitte pas le centre équestre de mes premiers pas à cheval et des cinq ans que nous venons de vivre avec Ananas, sans un pincement au cœur et sans appréhension. Je sais ce que je perds, et même si l’avenir semble se présenter sous les meilleurs auspices et les lieux combler mes plus belles espérances, je ne sais pas exactement où me guident mes pas … Un « Tiens » vaut mieux que deux « Tu l’auras » !